1.2 Démarche pour mettre en place l’autoproduction au service de l’aide alimentaire
Démarche pour mettre en place l’autoproduction
au service de l’aide alimentaire
A. Aspects juridiques
Il est crucial d’intégrer dès le départ les aspects légaux pour assurer la pérennité et la conformité du projet.
Réglementations sanitaires
- Production pour la consommation des bénéficiaires :
Bien que la finalité soit l’aide alimentaire et non la vente directe au public,
il est impératif d’adopter des bonnes pratiques d’hygiène à toutes les étapes de la production (manipulation des semences, entretien des cultures, récolte).
- Production impliquant une transformation ou un partage organisé :
Si le projet prévoit des ateliers de transformation (conserves, confitures) ou une distribution organisée en dehors d’une consommation immédiate sur le lieu de production,
il faudra se renseigner sur les normes d’hygiène des locaux, les procédures de transformation et de conservation, et potentiellement les exigences d’étiquetage si des produits sont conditionnés
. Il est conseillé de contacter les services de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) pour obtenir des informations spécifiques en France par exemple.
Responsabilité civile
- En cas de partage des récoltes:
Même dans un cadre non commercial, si les aliments produits sont partagés et venaient à causer des problèmes de santé, la responsabilité de la structure porteuse du projet pourrait être engagée.
Il est donc vivement recommandé de souscrire une assurance responsabilité civile adaptée à ce type d’activité.
Réglementations locales et urbaines
- Urbanisme :
Avant d’aménager un espace d’autoproduction (notamment en milieu urbain), il est indispensable de se renseigner auprès de la mairie concernant les éventuelles restrictions ou
obligations liées à l’utilisation du sol, aux constructions légères (serres, abris de jardin), et aux activités agricoles en zone urbaine.
- Environnement :
Le projet devra intégrer des pratiques respectueuses de l’environnement, notamment en matière de
gestion des déchets (compostage des déchets végétaux) et d’utilisation de produits (privilégier les méthodes biologiques ou la lutte intégrée pour éviter les produits
phytosanitaires).
- Vente directe (si envisagée à terme pour la pérennisation) :
Si une partie de la production venait à être vendue pour soutenir financièrement le projet,
il faudrait se renseigner sur les réglementations spécifiques à la vente directe (statut de producteur, marchés locaux, vente à la ferme).
B. Aspects fiscaux
Revenus potentiels
- Bien que l’objectif principal soit l’aide alimentaire, si le projet génère des revenus (par exemple, via la vente d’excédents ou des ateliers payants), il faudra se renseigner auprès des services fiscaux sur les
éventuelles obligations déclaratives et les régimes d’imposition applicables.
Réglementations spécifiques à certains types de productions
- Élevage
(si envisagé) : Si le projet inclut un petit élevage (poules pour les œufs, par exemple), il faudra se conformer aux
réglementations concernant le bien-être animal, les normes sanitaires (enregistrement, identification), et les éventuelles nuisances (bruit, odeurs) pour le voisinage.
- Transformation alimentaire
(si envisagée) : La transformation d’aliments pour une distribution plus large que la consommation immédiate sur place
nécessitera le respect de normes d’hygiène et de sécurité strictes (locaux adaptés, formation du personnel, procédures de contrôle).
C. Conception et planification
Une planification rigoureuse est essentielle pour la réussite du projet.
Diagnostic des besoins
-
Évaluer précisément les besoins alimentaires (quantité, types d’aliments, régimes spécifiques) des bénéficiaires de l’aide alimentaire ciblée. Mener des entretiens ou des sondages peut être utile.
- Identifier les ressources disponibles :
- Terrains : Superficie, sol, eau, exposition.
- Compétences : Équipe, bénéficiaires, bénévoles.
- Partenariats : Agriculteurs, assos, collectivités.
- Financements envisageables : Subventions, mécénat, crowdfunding.
Conception du projet
- Définir clairement les objectifs : Production alimentaire, éducation à l’alimentation, création de lien social, insertion professionnelle (si applicable).
- Choisir les cultures et techniques :
- Adaptées au climat local et à la saisonnalité.
- Répondant aux besoins identifiés.
- Tenant compte des ressources disponibles (eau, sol, main d’œuvre).
- Privilégier des approches durables comme la permaculture ou l’agroécologie.
- Prévoir les équipements :
Outils de jardinage, semences, plants, systèmes d’irrigation (si besoin), serres (si pertinent), matériel de transformation et de conservation (si prévu).
Planification
- Établir un calendrier de production et de récolte détaillé pour assurer un approvisionnement régulier tout au long de l’année (en tenant compte des cultures successives).
- Organiser les tâches et les responsabilités au sein de l’équipe (qui fait quoi, quand).
- Prévoir des temps d’animation et de formation pour les participants.
Établir un budget prévisionnel incluant les coûts d’investissement (matériel initial), les coûts de fonctionnement (semences, eau, assurances), et les éventuels coûts de personnel.
D. Matrice multicritère
Matrice multicritère d’aide à la décision
Critères |
Pondération | Options | Évaluation (1-5) | Score pondéré |
Impact nutritionnel | 25 % | Légumes verts, fruits, légumineuses, céréales | 4 | 10 |
Facilité de culture | 15 % | Radis, salades, tomates, courges, herbes aromatiques | 5 | 7,5 |
Coût de production | 10 % | Très faible, faible, moyen, élevé | 3 | 3 |
Acceptation par les bénéficiaires | 15 % | Très apprécié, apprécié, peu apprécié, non apprécié | 4 | 6 |
Durabilité environnementale | 10 % | Compostage, économie d’eau, biodiversité, pas de pesticides | 4 | 4 |
Facilité de transformation/cuisson | 10% | Facile, moyennement facile, difficile, très difficile | 4 | 4 |
Rapidité de production | 5% | Très rapide, rapide, moyen, long | 5 | 2,5 |
Besoin en main d’oeuvre | 5% | Très faible, faible, moyen, élevé | 3 | 1,5 |
Besoin en équipement | 5% | Très faible, faible, moyen, élevé | 2 | 1 |
Possibilité de stockage | 5% | Très bonne, bonne, moyenne, mauvaise | 4 | 2 |
Total | 100% | 42.5/50 |
📌 Conseils supplémentaires
- 🤝 Impliquez les bénéficiaires dans l’évaluation des critères et l’attribution des notes.
- ⚖️ Adaptez la pondération selon les priorités de votre projet.
- 🧭 Utilisez cette matrice comme un outil d’aide à la décision, et n’hésitez pas à ajuster les options et les notes en fonction de votre expérience.
- 🧮 Il est possible d’ajouter d’autre critère tel que :
- La résistance aux maladies et aux ravageurs
- L’adaptabilité au climat local
- La facilité d’approvisionnement en semences ou plants
- La valeur ajoutée potentielle (transformation en produits dérivés)
📊 Cet outil opérationnel vous permettra de structurer votre démarche de diversification des approvisionnements par l’autoproduction alimentaire et de prendre des décisions éclairées.
E. Mise en œuvre
La phase de réalisation du projet.
Démarche avec des bénévoles et des bénéficiaires
- Recrutement et engagement : Identifier et mobiliser des personnes volontaires ayant des compétences en jardinage, animation, ou simplement l’envie de s’investir.
L’engagement est basé sur le volontariat et la disponibilité des personnes. - Organisation du travail : Les tâches sont généralement réparties en fonction des compétences et des disponibilités des bénévoles. La flexibilité est souvent de mise.
- Formation et encadrement : Assurer une formation de base sur les techniques de jardinage et les règles de sécurité. L’encadrement vise à coordonner les efforts et à valoriser les contributions.
- Motivation et reconnaissance: Maintenir la motivation par la reconnaissance, la convivialité et le sentiment d’appartenance au projet.
Démarche avec des salariés en insertion
- Recrutement et contrat : Mettre en place un processus de recrutement spécifique aux personnes en parcours d’insertion, en lien avec les structures d’IAE (Insertion par l’Activité Économique). Un
contr at de travail est établi, définissant les droits et les obligations. - Organisation du travail : Le travail est structuré avec des objectifs de production et d’apprentissage définis. Des plannings de travail réguliers sont mis en place.
- Formation et accompagnement socio-professionnel : Prévoir une formation technique en lien avec les activités d’autoproduction, ainsi qu’un accompagnement socio-professionnel visant à lever les freins
à l’emploi et à construire un projet professionnel. - Objectifs d’insertion: L’activité d’autoproduction est un support pour développer des compétences transférables, acquérir une expérience professionnelle et favoriser le retour à l’emploi durable.
Production
- Privilégier les variétés locales et de saison pour une meilleure adaptation au terroir et une réduction des besoins en intrants.
- Utiliser des techniques de production respectueuses de l’environnement : Compostage des déchets organiques, paillage pour limiter l’arrosage et le désherbage, rotation des cultures, associations de plantes, lutte
biologique contre les ravageurs. - Assurer un suivi régulier des cultures : Arrosage adapté, entretien (désherbage, taille), protection contre les maladies et les ravageurs.
Transformation et conservation
- Organiser des ateliers pratiques de transformation (conserves, confitures, lacto-fermentation, séchage) pour valoriser les récoltes et apprendre des techniques de conservation.
- Mettre en place des espaces de stockage adaptés (frais, sec, ventilé) pour préserver la qualité des récoltes.
F. Animation et éducation à l’alimentation
La phase de réalisation du projet.
Démarche avec des bénévoles et/ou des bénéficiaires :
ayant des compétences spécifiques (cuisine, nutrition) ou par des professionnels intervenant ponctuellement. L’organisation est souvent plus flexible et dépendante des disponibilités.
Démarche avec des salariés en insertion :
ces activités peuvent être intégrées dans leur parcours de formation, leur permettant d’acquérir des compétences en animation et en communication. Un encadrement pédagogique est nécessaire.
Ateliers de cuisine
- Organiser des ateliers réguliers pour apprendre à cuisiner des plats simples, sains et équilibrés à partir des produits du jardin.
- Adapter les recettes aux goûts, aux habitudes alimentaires et aux éventuelles contraintes (allergies, régimes) des bénéficiaires.
- Mettre l’accent sur l’utilisation des produits de saison et la réduction du gaspillage alimentaire.
Éducation à l’alimentation
- Proposer des séances d’information sur les bases de la nutrition, les besoins alimentaires, l’importance des fruits et légumes, la lecture des étiquettes, etc.
- Organiser des dégustations pour faire découvrir de nouveaux aliments, des saveurs différentes et encourager la diversité alimentaire.
Lien social
- Organiser des moments conviviaux autour du jardin : partage des récoltes, repas collectifs, fêtes des récoltes, etc.
- Créer des espaces de rencontre et d’échange au sein du jardin, favorisant la communication et la solidarité.
G. Partenariats et collaborations
S’appuyer sur un réseau pour renforcer le projet.
Agriculteurs locaux
- Établir des contacts pour bénéficier de leurs conseils techniques, de leur expérience et potentiellement d’échanges de semences ou de plants.
- Envisager des visites de leurs exploitations pour sensibiliser les participants aux réalités de l’agriculture locale.
Associations
- Collaborer avec des associations spécialisées dans l’agriculture urbaine, l’éducation à l’alimentation, la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’insertion sociale, etc., pour mutualiser les compétences et les
ressources.
Collectivités locales
- Solliciter le soutien des collectivités pour la mise à disposition de terrains, de matériel, de locaux, ou pour obtenir des financements et un accompagnement administratif.
H. Suivi et évaluation
Mesurer l’impact et améliorer le projet en continu.
Démarche avec des bénévoles :
L’évaluation se concentre sur l’atteinte des objectifs du projet (production, lien social), la satisfaction des bénévoles et des bénéficiaires, et l’identification des points d’amélioration pour optimiser l’engagement bénévole.
Démarche avec des salariés en insertion :
L’évaluation inclut également le suivi des compétences acquises par les salariés, leur progression dans leur parcours d’insertion, et l’atteinte des objectifs socio-professionnels fixés. Des indicateurs spécifiques liés à
l’emploi futur sont importants.
Suivi des productions
- Tenir un registre précis des cultures semées/plantées, des quantités récoltées par type de produit, et des méthodes de transformation utilisées.
- Adapter les recettes aux goûts, aux habitudes alimentaires et aux éventuelles contraintes (allergies, régimes) des bénéficiaires.
- Évaluer la qualité (visuelle, gustative) et potentiellement la valeur nutritionnelle des produits.
Évaluation des impacts
- Mesurer l’impact du projet sur l’autonomie alimentaire des bénéficiaires (évolution de leur accès à des produits frais), leur santé et leur bien-être (témoignages, indicateurs qualitatifs).
- Recueillir régulièrement les avis des participants (bénéficiaires, bénévoles) par des questionnaires, des entretiens ou des réunions pour identifier les points forts et les axes d’amélioration du projet.
Indicateurs de réussite
- Nombre de bénéficiaires participant activement au projet.
- Quantité et diversité des aliments produits sur une période donnée.
- Nombre et type d’ateliers de cuisine et d’éducation à la santé organisés.
- Niveau de satisfaction des bénéficiaires (mesuré par des enquêtes).
- Qualité du lien social et du sentiment de solidarité développé au sein du projet.
La démarche globale d’autoproduction pour un projet bénévole ou salarié reste similaire, mais la mise en œuvre, l’organisation du travail, l’encadrement, les objectifs et les indicateurs d’évaluation devront être adaptés en
fonction du public impliqué (bénévoles ou salariés en insertion), en tenant compte de leurs motivations, de leurs besoins et des objectifs spécifiques de chaque approche.
La démarche avec des salariés en insertion aura une forte composante d’accompagnement socio-professionnel et de développement de compétences en vue d’un retour à l’emploi durable.
I. Partenaires potentiels :
- Acteurs de l’aide alimentaire (le réseau des Jardins de Cocagne) : https://www.reseaucocagne.org/
- Acteurs du monde agricole et de l’agroécologie :
- https://chambres-agriculture.fr/
- https://terredeliens.org/
- Jardins partagés et associatifs : http://www.jardins-familiaux.asso.fr/
- Maraîchers locaux et AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) : https://miramap.org/
- Associations et structures d’insertion sociale Chantiers d’insertion et structures de l’IAE (Insertion par l’Activité Économique) : https://economie-solidarite-partage.com/